La conduite du changement au sein du groupe Dubreuil. Quel est le rôle des RH ?

Interview avec Béatrice LAUDE.

Dans cet article, nous parlerons de la conduite du changement selon Béatrice LAUDE, directrice des ressources humaines au sein du groupe Dubreuil. 

Béatrice Laube est généraliste et en charge des missions transverses de sa structure. Elle coordonne les responsables des ressources humaines qui sont spécialisés par pôle d’activité. Le rôle de ces responsables RH consiste à accompagner des équipes managériales, et de contribuer à l’animation de leur équipe, sur toutes les missions liées au développement RH telles que les entretiens annuels, la conduite du changement, etc…  Les ressources humaines dites plus « administratives » comme la rédaction des contrats de travail, et bulletins de salaire sont effectuées au sein des filiales elles-mêmes.

Le groupe Dubreuil se situe et s’est créé en Vendée, à la Roche-sur-Yon, celui-ci s’est étendu et a évolué au fils des années. En 1966, le groupe était composé de deux métiers de distribution, celui de l’alimentaire et celui du carburant. Il s’est ensuite diversifié et s’est agrandi. Il a élargi ses champs d’activités en incluant le secteur de l’automobile, celui du bricolage, du matériel de BTP, ainsi qu’en développant une activité dans le transport aérien, puis l’hôtellerie. Paul Henri Dubreuil qui en est aujourd’hui à la tête depuis 10 ans, a poursuivi la transformation de l’entreprise, notamment avec l’inclusion de produits pétroliers, des énergies nouvelles et le machinisme agricole. Nous distinguons aujourd’hui une entreprise très complète et très riche en termes d’activité et de diversification, grâce à son développement constant avec des enseignes collaborant dynamiquement. Différentes filiales sont intégrées au sein du groupe et confiées à des managers souvent experts et actionnaires. Il en est de même de son déploiement, avec 185 établissements allant bien au-delà de son département initial. Ce groupe dispose de 4800 collaborateurs répartis dans différentes PME sur tout le territoire, voire au-delà des frontières de l’Hexagone. Le groupe aux 7 métiers atteint aujourd’hui le rang N° 1 concernant le chiffre d’affaires. Une vraie force pour le département !

La conduite du changement vue par cette DRH, réside dans le fait d’accompagner celui-ci avec plusieurs objectifs en tête. 

« Tout d’abord celui-ci doit toujours être mené à son terme, tout en apportant un certain soutien auprès des équipes. »

Cet accompagnement permet de veiller à ce qu’il soit bien vécu, et que personne n’ait décroché ou quitté le navire de l’entreprise. L’accompagnement permet également aux collaborateurs de ne pas garder un souvenir douloureux de celui-ci mais plutôt d’en tirer des bénéfices.

« Afin d’en ressortir grandi, et d’avoir moins d’appréhension face aux éventuels changements futurs. Mon observation m’a menée à constater qu’en général les changements qui se décident à la tête de l’entreprise se réalisent mais sont vécus parfois dans la douleur. »

Le monde évolue, et les changements sont très récurrents en matière de digitalisation également, cela fait partie de la vie de l’entreprise. Quelquefois ce sont des changements mineurs avec de faibles impacts mais parfois ils sont majeurs et perturbent l’organisation. Le manque d’accompagnement peut créer une certaine résistance même en amont du changement opéré. L’enjeu d’une bonne conduite est de développer l’agilité et de montrer aux collaborateurs que ce changement peut être vécu d’une meilleure façon.

« Le changement apporte également de nouvelles capacités et compétences chez les individus. »

Le changement est très présent au sein du groupe Dubreuil, car il se développe fortement par croissance externe en rachetant des entreprises. Les personnes se doivent donc de se familiariser avec leur nouvel environnement, nouvelle culture d’entreprise, nouvelles manières de procéder. Cette intégration peut bénéficier de nombreuses nouveautés en termes de logistique, ce qui nécessite de la part des individus une prise en main de logiciels, de machines, etc.

« Les équipes ont un réel travail d’analyse du cadre social de l’entreprise nouvelle afin de basculer et de s’approprier les nouveaux dispositifs. »

La démarche d’analyse est donc indispensable pour les responsables des ressources humaines. Dans une conduite au changement, l’analyse ne suffit pas car elle n’implique pas suffisamment le facteur humain.

« La clé de la réussite est la communication et le questionnement : Pourquoi est-il fait ? Comment bien définir les axes, quelle est l’origine du projet ? »  

Il est important de délivrer ces données aux équipes afin de transmettre relativement tôt l’intention visée, et le pourquoi. Afin de se laisser le temps de discuter, d’échanger du pourquoi et du comment et que le personnel participe en donnant son avis et en prenant part aux décisions. Le changement doit être une co-construction. La courbe du changement est très importante, car elle exprime le temps que met l’humain à appréhender le changement.

« Déménager son bureau initial à son domicile prend 2 secondes, mais l’assimilation de ce changement va dépendre de l’individu, c’est toute une réappropriation de son travail. »

Y’a-t-il des résistances ? Oui.

« Il y a très peu de changement, sans résistance, c’est une phase normale. La résistance ne vient pas du fait que les personnes ne comprennent pas, mais elles ont tendance à craindre la nouveauté et se mettent en position de défense. » 

D’où l’importance de l’écoute active. Certains sont plus réticents que d’autres du fait de leur représentation personnelle des choses, c’est pourquoi l’expression de leur ressenti est primordiale. En fonction des habitudes et des métiers les personnes s’adapteront plus aisément. Prenons l’exemple du télétravail pour les métiers de l’informatique, du marketing et de la communication, le changement reste moindre. Ces individus passent une grande partie de leur journée sur des plateformes collaboratives, outils digitaux, ce sont également des métiers qui pratiquent déjà les relations à distances. Même si bien-sûr d’une personnalité à l’autre, ce changement peut tout de même être mal vécu, et ne dépendra pas de l’emploi exercé.

Nous allons illustrer cette thématique par un changement lié à la conjoncture, et à l’émergence de la digitalisation dans l’entreprise. Le télétravail est une réelle dématérialisation du travail que nous permet le numérique.

« Parfois on ne mesure pas l’attachement que les personnes peuvent avoir à leur poste de travail, ainsi que les missions qu’elles exercent dans un environnement de travail précis. Ce changement se matérialise dans le fait de l’absence de collègues et de relation humaine professionnelle. »

A l’annonce du confinement, le changement a été brutal et n’a pas laissé place à l’accompagnement. Aujourd’hui il a été mis en place de manière plus progressive avec un accompagnement adapté à la distance, en fournissant des questionnaires sur les conditions de travail, sur l’aménagement de leur poste de travail à leur domicile, sur leur santé, etc…

L’équipe RH du groupe Dubreuil a donc souhaité se former en sensibilisant ses managers à la relation à distance. De plus, animer des réunions d’équipes à distance demande d’acquérir de nouvelles méthodes, comme le Design Thinking par exemple. Ces formations vont permettre aux managers de montrer que le travail à distance est possible.

« La digitalisation et la dématérialisation ne doivent pas empêcher la communication, d’où la sensibilisation. »

Les questionnaires ont su soulever des contraintes comme le fait que « les personnes entre 80 et 100% de télétravail ont des soucis de déconnexion. Une personne prenant sa pause- café sur son lieu de travail ne se sent pas soupçonnée de ne pas travailler, alors qu’une personne en télétravail, va culpabiliser lorsque l’on va essayer de la joindre et qu’elle se trouvera en pause. » Cela a également permis de soulever le fait que la rupture vie privée vie professionnelle s’opère plus difficilement à distance.

« On a la tentation de consulter ses messages privés, se sentir obligé d’être présent et réactif pour l’entreprise à toute heure. »

Le rôle des ressources humaines ici est encore une fois d’accompagner en entendant et rassurant au mieux afin de garantir une démarche d’amélioration continue.

« On essaye d’optimiser le temps en présentiel en changeant les méthodes de travail, le présentiel est davantage axé sur les réunions et temps d’échanges entre équipes alors que le distanciel reste centré sur l’accomplissement des tâches réalisables individuellement. Les collaborateurs trouvent ainsi un sens et un équilibre entre présentiel et distanciel. »

 Ce changement est accompagné par des entretiens individuels et des temps collectifs, qui contribuent à valoriser et récompenser les efforts.  Le rôle du manager est de conseiller le salarié tout au long du processus. Nous pouvons d’ailleurs donner l’exemple du manager qui va guider le collaborateur sur la façon dont il peut aménager son poste de travail. Il va aussi avoir un rôle de relai et de planification pour conserver des temps de partage, d’échanges et de lien social dans l’entreprise, malgré la distance physique. Dans toutes ces missions on peut déceler des missions transverses comme le fait de garantir l’équité et l’unité au sein des différentes filiales, et l’importance de choisir les bonnes méthodes, pour que le salarié vive cette transition dans les meilleures conditions. Le rôle du manager est aussi de se remettre en question.

Béatrice LAUDE, soulève des points positifs et négatifs concernant le télétravail.

Les inconvénients du télétravail sont principalement le risque d’isolement, de convivialité et de soutien dû au manque de communication informelle et formelle car les informations sont parfois plus difficiles à récolter. On notera également que les conditions de travail ne sont pas toujours optimisées comme : la présence de personne dans la pièce de travail qui peut être une gêne au travail, le matériel personnel n’est pas aussi pointu que celui de l’entreprise, la connexion également et il n’y a pas d’assistance technique à disposition. On peut également observer que le confort du poste de travail en lui-même (bureau, chaise, éclairage, bruits, etc.) n’est pas toujours adapté au travail. De plus, nous pouvons constater que les personnes arrivent moins à faire la distinction entre vie personnelle et professionnelle, il est donc plus compliqué de cesser le travail car ils ont tout le matériel de travail à disposition.

En revanche nous notons différents points positifs, comme le fait que les réunions d’échanges et d’informations sont pertinentes sur zoom car chacun prend la parole à tour de rôle, ce qui permet de respecter la parole de chacun et de faire passer les informations.

Il est également plus facile de communiquer et d’avoir des échanges avec les personnes qui sont loin géographiquement.  Le numérique et les outils tels que la visio nous apporte un gain de temps, et de fatigue.

« L’échange d‘informations est beaucoup plus efficace, et nous ne sommes pas obligés de faire 400 kilomètres pour pouvoir communiquer avec les personnes. En télétravail, la communication doit être claire et structurée du fait que nous le faisons moins souvent. »

Le télétravail a des bonnes pratiques. Il a tout à fait sa place en matière d’évolution et de changement organisationnel pour chacun de nous, et il va perdurer. Cependant Béatrice LAUDE, nous indique que les entreprises et les DRH, n’ont pas encore assez de recul aujourd’hui pour dire quelles seront vraiment les répercussions positives ou négatives.

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