Analyse de la stratégie marketing et communication des Organisations Non Gouvernementales

Article rédigé par Robinson RUIZ

Avant propos:

Cet article traitera de l’appropriation par les ONGs de différentes méthodes de marketing. Nous y verrons alors quelles sont ces méthodes, comment les ONGs se les sont-elles appropriées et pourquoi y ont-elles recours.
Précisons que l’objectif de ce travail est de résumer de la manière la plus concise possible ce phénomène. Dès lors, si le sujet intéresse le lecteur et qu’il souhaite l’approfondir, nous lui recommanderons la thèse primée du professeur Sylvain Lefèvre « Mobiliser les gens, mobiliser l’argent: les ONG au prisme du modèle entrepreneurial ».

Introduction

En 2015, l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) Greenpeace s’accaparait la notoriété de la célèbre série « Game of Thrones » pour l’un de ses spots publicitaires. En la parodiant, l’organisation avait alors la volonté assumée de sensibiliser, par une pointe d’humour, la jeune génération aux questions environnementales. Afin de prévenir des risques du réchauffement climatique mais aussi dans l’espoir d’attirer de nouveaux donateurs.
Cibler son auditoire n’est donc pas une pratique réservée aux entreprises. Les ONGs, pour plusieurs raisons que nous allons aborder, doivent se munir de tels outils. Différents travaux de recherches démontrent en ce sens une appropriation croissante par les ONGs des outils marketings depuis les années 1990.

Afin de mieux cerner le sujet, il convient dans un premier temps de définir l’ONG, et d’en expliquer les particularismes.
A caractère privé, l’Organisation Non Gouvernementale a des objectifs d’ordre économique, social, éducatif, culturel ou religieux. Cinq critères permettent de la qualifier. L’origine privée de sa constitution, le but non lucratif de  son action, l’indépendance financière, l’indépendance politique et enfin la notion d’intérêt public.
Ainsi, tout en gardant une indépendance politique et financière, une ONG doit pouvoir financer son action sans faire de profit. Leur principale source de financement viendra donc de dons de particuliers. A titre d’exemple, 74% des fonds d’Amnesty International proviennent de la générosité du public, les 26% restants sont eux, issues de la vente de goodies, de cotisations, d’abonnements. Le donateur est alors d’importance primordial pour la survie financière de l’organisation, qui sera dépendante de ses dons. Face à de tels faits, il apparait logique pour une ONG de chercher plus de financement, donc de donateurs. Par ailleurs, l’évolution du marché, devenu ultraconcurrentiel, oblige les ONGs à des recherches actives de financement. L’utilisation d’outils marketing semble donc justifiée au vu du contexte.
Pourtant, dans les faits, les organisations ont parfois tendance à feindre ces pratiques, ne voulant pas être assimilées aux multinationales. Il suffit d’analyser leur vocabulaire pour s’en rendre compte. Une ONG ne parlera jamais de la notion marketing, ni même de client, mais privilégiera le terme de « donateur ». Il peut en effet être mal perçu pour un défenseur de l’intérêt public d’influencer son auditoire dans un soucis économique.

Ainsi, nous nous demanderons comment les Organisations Non Gouvernementales s’approprient-elles les différentes méthodes de marketing, en conciliant besoin de financement et image « éthique »?

Cet article n’a pas vocation à critiquer, positivement ou négativement, l’utilisation de ces outils marketings par les organisations, mais simplement de démontrer l’importance du marketing dans le secteur associatif. Nous tenterons donc de répondre à la problématique de la manière la plus objective possible.

Dès lors, nous verrons d’abord la nécessité de ces méthodes dans un contexte de marché ultraconcurrentiel (I) puis la mise en pratique de ces dernières (II). 

I – La nécessaire mais ambivalente assimilation du marketing dans les Organisations Non Gouvernementales.

A – Objectifs et besoins des Organisations Non Gouvernementales.

Dans un soucis d’indépendance complète, les  ONGs, depuis les années 60, veulent s’émanciper des subventions de l’Etat et se financer par d’autres moyens. La volonté d’indépendance des ONGs est primordiale. En effet, rappelons qu’une ONG à pour objectif la défense de valeurs jugée d’intérêt public. Dès lors, comment pourrait-elle légitimement dénoncer une déviance d’un Etat, d’une entreprise si elle en est dépendante financièrement? La politique de financement de Greenpeace peut illustrer ce propos. L’association refuse les subventions d’Etat et les contributions d’entreprises car elle veut « garder une entière liberté de parole et d’action en tout lieux et en toutes circonstances ».  Elle base alors une grande partie de son financement sur les donations de particulier.

Si la notion d’indépendance est donc très importante pour une ONG, elle a comme inconvénient de limiter drastiquement ses moyens de financement. Pourtant, il ne faut pas négliger ce besoin. Une ONG, pour mener des actions crédibles, à fort impact, requiert beaucoup de fond. Le donateur particulier étant devenu la source de financement  principale, l’ONG doit donc analyser son besoin, répondre à sa demande.

Dans le même temps, le marché de l’humanitaire est devenu, depuis les années 1990, ultaconcurrentiel. Pour se démarquer, attirer de nouveaux donateurs, les ONGs doivent redoubler d’effort, de créativité, d’innovation pour attirer et satisfaire leurs donateurs.

B – Une limite éthique

Ces pratiques peuvent cependant poser quelques problèmes moraux. Les ONGs font donc très attention à leurs communication et restent très discrètes sur les moyens employés pour les attirer. Plusieurs facteurs explique cela.

            Il est important de rappeler que les problèmes éthiques, moraux, dépendent du contexte social, culturel du pays dans lequel nous nous trouvons. Ainsi, le marketing dans les ONGs ne sera pas perçu de la même manière par un américain ou par un français.

            Il est reproché aux ONG d’utiliser les donations majoritairement pour financer leur communication, au détriments de leurs actions sur le terrain.

            Dans le même sens, la population civile n’apprécie pas forcement d’être démarché, voire même catégorisé dans un panel de « potentiel donateur » par des associations revendiquant un sens éthique.

Les ONGs, obligées d’évoluer dans un nouveau marché ultraconcurrentiel, tentent alors de concilier une levée de fond efficace avec leur principe éthique. Dès lors, quelles méthodes marketings utilisent-elles?

II – La mise en pratique des méthodes de marketing par les Organisations Non Gouvernementales.

A – Les méthodes principales

Le marketing caritatif est donc l’ensemble des techniques du marketing adapté au secteur caritatif. Parmi les outils les plus utilisés, quatre sont à retenir.

            Les mailing ciblés: l’idée est ici de cibler un donateur-type (une veuve catholique par exemple) et de le solliciter par mail à plusieurs reprises en l’informant des nouvelles actions de l’ONG et en l’incitant au don. Cette méthode, utilisée dès les années 1980, provient directement des grandes entreprises de vente par correspondance de l’époque (les 3 suisses, La redoute, etc..). Si elle fut très efficace et peu chère jusque dans les années 2000, elle semble cependant désuète aujourd’hui. En effet, dans ce nouveau marché ultraconcurrentiel, les donateurs-types se sentent harceler par le nombre de mails reçus, et de fait ne réagissent plus à ce type d’attention.

            Le marketing téléphonique: Sur le même principe que le mailing, cette méthode s’appuie sur un donateur-type. Elle se différencie cependant en ce qu’elle met en relation directe l’ONG avec le donateur. Il y a alors une individualisation de l’offre, le donateur se sentant mis en valeur. En 2001, Handicap International avait procédé à 100 000 appels. 40% des donateurs avaient alors répondu, contre 8% seulement par courrier. Le principal inconvénient de cette méthode réside dans le fait qu’il soit extrêmement chronophage pour l’organisation.

            Le celebrity marketing: En utilisant cette technique, les associations se rattachent à la notoriété de différentes célébrités. A titre d’exemple, nous pouvons citer Adriana Karembeu qui s’associa à la Croix rouge.

            Le Couponing: Il s’agit ici de distribuer un message papier, qu’il soit distribué dans la rue ou par voie postal, en y associant un coupon détachable afin que le donateur puisse faire un don relativement simplement.

Ces quatre méthodes, beaucoup utilisées par les associations, ne sont cependant pas les seuls. Plus particulièrement, la méthode la plus employée et la plus représentative de ce nouveau phénomène d’appropriation est le street fundraising, que nous allons désormais expliquer.

B – Le cas particulier du street fundraising.

Le street fundraising est une méthode propre aux associations. Apparu dans les années 2000, elle est toujours aussi efficace vingt ans plus tard. Concrètement, il s’agit pour une ONG d’aller au contact direct du donateur en l’alpaguant dans la rue. Cette méthode à pour avantage de mettre le donateur face à la réalité, par un discours direct, parfois provocant. Beaucoup de dons sont récoltés grâce à cette méthode, à tel point que les « bénévoles » sont désormais payés (environ onze euros de l’heure brut) et formés. Certaines associations n’hésitent plus à déléguer ce travail à un prestataire professionnel. Ainsi, en 2004, en France, ONG conseil était le numéro 1 des prestataires de services sur la collecte de fond de rue, et employait de nombreux jeunes formés spécialement à cette pratique.

Il est à noter cependant que cette méthode est extrêmement coûteuse, et inefficace à long-terme. A l’inverse des campagnes marketing virales, les opérations de street fundraising doivent être régulièrement renouvelées, ce qui engendre parfois un énorme budget pour l’association. Certaines ONG redoublent alors de créativité, et n’hésitent pas à mixer deux méthodes différentes, avec comme souvent un message fort. Médecin du monde est, dans ce domaine, redoutable.

Témoignage d’une étudiante dans une Antenne Jeunes d’Amnesty International. L’objectif étant plus ici de comprendre le fonctionnement de l’ONG, les principales missions destinées aux étudiants, que d’analyser l’aspect marketing.

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