La conception modulaire et son intérêt pour des constructeurs d’engins

En travaillant sur notre dossier pour le concours Manitou 2019, mon groupe c’est intéressé a la durée de vie des engins de chantiers produit par cette entreprise et ses concurrents. Celles ci se sont avérées globalement bonnes mais l’impossibilité de mettre à jour des engins vers des technologies plus récentes (ou du moins pour un coût abordable) nous a choqué et poussé à approfondir le sujet.

La conception modulaire pour quoi faire?

Tout d’abord la question de l’écologie est aujourd’hui au premier plan. Prolonger la durée de vie d’un engin en lui rajoutant les dernières technologies ou en modifiant sa raison d’être pour une deuxième vie est évidement très positif sur ce plan. Par exemple on reproche souvent aux voitures âgées de moins d’une dizaine d’années leur sécurité ou leur pollution et il n’existe aucun moyen simple de corriger ces problèmes. Les options proposées de séries ne peuvent pas êtres rajoutées à posteriori ou quand celles ci apparaissent sur le marché. Une conception modulaire permettant de rajouter ces options augmenterais donc l’attractivité de ces véhicules sur le marché de l’occasion et donc leur durée de vie.

La conception modulaire, comment?

La réponse est a la fois simple et compliqué mais peut être résumé en un mot; l’anticipation.

Le fabriquant doit anticiper dès le bureau d’étude la possibilité de modifier son produit facilement. Plus difficile encore, il doit dans le meilleur des cas prévoir l’arrivé d’une technologie qui n’est pas encore développé pour remplacer une autre déjà intégrée dans le produit ou alors laisser de la place pour celle ci si elle n’existe pas encore. Aujourd’hui extrêmement peu d’industriels font ce choix car il induit des coûts supplémentaires tant en phase de conception qu’au moment de la fabrication et la valeur ajouté qu’elle entraînerais n’arrivera que plusieurs années après, si elle arrive un jour. En effet rien ne garantie que les clients utiliseront la possibilité qui leur est donné d’améliorer leur produit et donc d’acheter des options au fabriquant… Parmi les quelques domaines ou l’on trouve néanmoins des exemples nous pourrions citer quelques marques de téléphones portable et un domaine assez surprenant au premier abord mais leader dans le domaine: l’armement.

L’exemple français: l’avion de chasse Rafale

Pour comprendre pourquoi l’avion de chasse français “Rafale” a été créé autour d’une architecture modulaire il faut revenir sur le calendrier du programme.

Les études pour cet avion sont lancés en 1983 (contexte de la guerre froide)
En 1986 le premier prototype démonstrateur, la version A vole pour la première fois. Cette version n’est qu’un démonstrateur destiné à valider un certain nombre de technologies comme l’agilité et l’intégration d’un réacteur nouvelle génération (le M88).
Ce n’est qu’en 1991 que le prototype final, destiné à être réellement mis en service prend son envol. La même année l’URSS disparais et de même la nécessité vitale d’un nouveau chasseur pour l’armée française.
Ce ne seras finalement qu’en 2002 que le chasseur seras mis en service dans une première version dites F1.

Il se sera donc passé 19 ans entre le lancement du programme et sa mise en service et 11 ans entre le premier vol de l’avion définitif et le début de sa production en série. Il est évident que sur ce laps de temps la technologie a énormément évolué. Et effectivement c’est le cas. Dès sa mise en service une partie de son électronique et son radar sont dépassés ou sur le point de l’être. De plus de nouvelles technologies sont apparues et doivent êtres rajoutées. Heureusement comme sur tout nouvel avion se phénomène avait été anticipé et le Rafale dispose de plusieurs centaines de kilos de marges et d’emplacements pour de nouveaux équipements. Néanmoins en terme de modularité, ces équipements n’étaient absolument pas optimisés.

Deux rafales de l’armé de l’air française

C’est pourquoi en 2006, quand le nouveau standard F2 entre en service, la conversion de ceux aux standard F1 pose problème. En effet les équipements ne sont pas tous compatibles entre eux et la mise à jours des avions du standard F1 vers le standard F2 prendra plusieurs mois pour chacun d’entre eux… Mais les industriels apprennent de leur erreurs et font cette fois attention à penser à l’avenir en concevant cette nouvelle version.

Et lorsque la version F3 sort en 2009 en intégrant notamment un nouveau radar révolutionnaire (par rapport à l’ancien) le passage de la version 2 à la version 3 est beaucoup plus simple. En fait l’avion une fois au standard F3 peux aussi bien emporter l’ancien radar que le nouveau. Le changement peut être opéré simplement par des techniciens en moins de 30 minutes. Cela permet à l’armé française de ne commander que 60 nouveaux radars pour plus de 100 avions puisque ceux ci peuvent être récupéré sur des avions en entretien ou sur des missions ne nécessitant pas l’usage de ceux ci pour équiper les avions en aillant besoin. Cette simple mesure permet dès lors d’économiser plusieurs dizaines de millions d’euros. De plus, de nombreux systèmes sont désormais conçues de manière plug and play et peuvent êtres remplacés sans intervention majeur sur l’avion en fonction des besoins et lors des améliorations technologiques.

Enfin le chef d’oeuvre de modularité de cet avion est sans doute son réacteur. Celui ci à été conçu pour n’être révisé intégralement que tous les 600 heures de vol (au dernier standard, ce qui représente plusieurs années de services). Mieux, le démontage et le remplacement d’un réacteur ne prend qu’une heure et 45 minutes. A titre de comparaison le F35 américain prend jusqu’à 72 heures pour la même opération celons les versions.

On peut donc conclure qu’en partant sur une architecture modulaire pour cet avion les industriels ne cherchaient pas seulement à faire des économies à leur client mais aussi à simplifier l’entretien et la mise à jour technologique future de cet appareil qui doit continuer à être produit (ou du moins être utilisé) jusqu’à l’horizon 2040, plus de 50 ans après son premier vol.

Conclusion

Si l’architecture modulaire n’est pas plus à la mode c’est probablement qu’aucun industriel ne réfléchis actuellement à long terme. Les produits fabriqués ne sont destinés à ne fonctionner que quelques années avant d’êtres remplacés par une nouvelle génération. Se lancer dans un changement vers une architecture modulaire engendre une perte de compétitivité par rapport à des concurrents fonctionnant sur une logique à cours termes pour une incertitude sur le retour sur investissement car rien n’assure que les clients seront intéressés par une mise à jours de leurs appareils plutôt que par l’achat d’un nouveau. L’architecture modulaire semble condamnée à des marchés de niches à moins d’une prise de conscience écologique du consommateur ou d’une action législative en faveur de la conception modulaire.

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