Facebook : un outil de veille pertinent ?

Affirmer aujourd’hui que l’on n’a pas de compte Facebook risque de susciter la même réaction qu’affirmer ne pas avoir le permis de conduire ou ne pas être inscrit aux listes électorales. Et pour cause, Facebook est le réseau social le plus utilisé dans une large majorité de pays, avec au total 2,2 milliards d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde dont 33 millions en France.

Avec le nombre de profils, publications, « likes », partages, pages, groupes et autres, Facebook contient une énorme quantité de données. La question que l’on se pose ici est de savoir si, pour autant, ce réseau social peut être considéré comme un outil de veille pertinent et efficace. D’abord, l’un des principaux obstacles à la recherche d’informations est le caractère privé de bons nombres de profils et de publications, les rendant invisibles lors d’une recherche sur le réseau social. Toutefois, le nombre de posts publics accessibles à tous reste tout de même considérable (à peu près 2 trillions en 2015). Il est donc très probable de retrouver sur Facebook des informations non disponibles ailleurs ou des liens vers des contenus mal référencés sur d’autres services et outils.

Mais un autre problème majeur est le fait que Facebook n’a pas du tout été pensé comme un outil de veille et de recherche : on y retrouve pêle-mêle des informations concernant la vie privée ou professionnelle des utilisateurs, des pages d’entreprises, d’institutions, d’associations, de « fans » d’un artiste ou d’une œuvre, etc., de sorte à rendre compliquée l’extraction d’informations intéressantes sur un sujet donné.

D’où l’intérêt d’analyser succintement pour différents « domaines » de veille la pertinence de l’utilisation de Facebook.

La pertinence de l’utilisation de Facebook pour différents types de veille

Veille sur les personnes

Une recherche Facebook pour trouver des informations sur une personne peut s’avérer efficace (sauf si aucune donnée du compte n’est rendue publique) en vue de faire affaire avec elle (« due diligence ») ou de l’embaucher par exemple. On peut notamment y retrouver des éléments à mi-chemin entre vie privée et professionnelle que l’on ne pourrait pas retrouver ailleurs (par exemple sur Linkedin qui est un réseau strictement professionnel).

Veille d’actualités

Un sondage mené par le Pew Research Center auprès d’utilisateurs américains en 2015 a montré que 63% d’entre eux utilisaient Facebook et Twitter pour s’informer sur l’actualité. Effectivement, la plateforme contient nombre d’articles ou du moins de liens vers des sites d’actualités et de presse. En 2015, elle lançait la fonctionnalité « Instant Articles » permettant aux utilisateurs de consulter des articles de presse directement dans l’application sans avoir à la quitter pour visiter le site de l’éditeur (uniquement sur mobile). Les articles de presse, de magazines et de revues ont pris une place importante dans le contenu publié et partagé sur Facebook et le fait de surveiller le nombre de fois qu’un article est partagé ou « liké » et d’analyser les commentaires à son sujet peut présenter un certain intérêt. La fonctionnalité « Live » permettant de diffuser des vidéos en direct offre également un nouveau canal d’informations en temps réel non disponibles sur les moteurs de recherche ou sur d’autres sites.

La grande liberté d’expression prévalant sur Facebook présente cependant des inconvénients en matière de recherche d’actualités et d’informations : la plateforme est en effet un lieu de choix pour la divulgation de « fake news », au risque d’en faire plus une source de désinformation que d’information (avec notamment du contenu publié par des sites « complotistes », des sites relayant des polémiques, des rumeurs, etc.). Ceci a valu des critiques acerbes à l’encontre du fondateur du réseau social, Mark Zuckerberg, qui a dû annoncer un plan pour lutter contre ce problème, devant se concrétiser par la mise en place d’un algorithme afin de laisser plus de place aux contenus journalistiques de qualité aux dépens des « fake news » et des sites spécialisés dans le buzz.

Veille sur les groupes

Une autre source de veille potentiellement intéressante sur Facebook sont les nombreux groupes de discussion pouvant permettre entre autres de trouver des informations sur des entreprises, des liens vers des articles et d’appréhender des opinions sur la société ou des sujets géopolitiques.

Veille sur les entreprises

Concernant la veille au sujet d’entreprises, on constate que ce sont surtout les marques des sociétés qui disposent d’une page Facebook à même titre qu’un compte Twitter ou d’une chaîne YouTube, sur laquelle elles postent des informations à destination du grand public que l’on peut retrouver ailleurs, avec cependant plus de vidéos et de photos que sur les autres supports. En matière de veille sur les entreprises, il est sans doute plus judicieux de rechercher des informations dans des groupes de discussions ou sur des personnes liées aux entreprises plutôt que sur les pages de ces dernières.

Veille scientifique et technologique

A premier abord, Facebook et la recherche scientifique sont deux univers très distants. Pourtant, parmi la quantité d’articles circulant sur le réseau social, certaines sont à caractère scientifique. Un moyen efficace de mesurer l’impact des publications scientifiques sur les réseaux sociaux est l’utilisation des « altmetrics » qui permettent de voir combien de fois un article donné à été cité sur un blog, a alimenté des stories, été « tweeté », posté sur Facebook, Reddit, etc. En ce qui concerne Facebook, l’utilisation des ces altmetrics montre qu’il ne s’agit pas d’un lieu de prédilection pour le partage ou la citation d’articles scientifiques. En effet, les premiers articles du top 100 des articles scientifiques les plus discutés en 2016 ont été repris environ 200 fois sur Facebook … contre plusieurs milliers de fois sur Twitter.

Il en résulte que Facebook présente un intérêt limité en ce qui concerne la veille scientifique. On peut y trouver assez facilement des articles qui concernent de près ou de loin le grand public ou les consommateurs, mais plus difficilement des publications sur des sujets très pointus.

Exemple de résultat de Altmetrics

Ces dernières années, la fonctionnalité de recherche est apparue comme l’un des axes d’amélioration importants de Facebook et a connu certaines évolutions.

Evolution des fonctionnalités de recherche et de veille sur Facebook

Le moteur de recherche de Facebook a pendant longtemps été inapproprié pour un travail de veille : fonctionnalités et opérateurs de recherche inexistants, résultats peu pertinents, etc.

Certaines améliorations ont cependant été apportées: un moteur de recherche interne aux groupes en 2011, possibilité d’effectuer des recherches sur une page en particulier en 2015…

En 2014, le réseau social cesse sa collaboration avec le moteur de recherche « Bing » et n’affiche plus de résultats Web dans ses résultats de recherche, mais uniquement des contenus publiés sur la plateforme.

En 2015, Facebook annonce d’autres améliorations quant à la fonction de recherche : amélioration des suggestions et résultats de recherche combinant posts d’amis et posts publics notamment. Une indexation et une mise à disposition de toutes les informations et publications publiques (soit 2 trillions de posts) ont également été réalisées durant cette année. D’autres évolutions présentent en revanche un intérêt moindre pour la veille (comme l’algorithme « Deep Text » mis en place en 2016 permettant de mieux comprendre les intentions des utilisateurs et le contexte des messages postés afin de proposer des services adéquats ou l’amélioration du moteur de recommandation).

En 2017, Facebook propose un nouveau moteur de recherche qui se rapproche de celui de Google, sans pour autant l’égaler au niveau de la pertinence et de la précision des résultats, qui restent en outre limités aux publications sur la plateforme.

Ce nouveau moteur améliore considérablement l’expérience de recherche sur Facebook, mais en terme de veille à proprement parler (à savoir faire venir à nous l’information pertinente sur un sujet donné), le seul moyen qu’offre le réseau social est de « liker » ou suivre une page, une personne, un événement ou être membre d’un groupe pour recevoir les nouveautés de ces pages. Ceci en fait plus un « agrégateur d’actualités personnalisé » nous enfermant dans ce que l’on peut appeler une « bulle de filtres » que l’on définit soi-même plutôt qu’un réel outil de veille permettant de recueillir de l’information en dehors des sphères que l’on connaît. En outre, depuis 2016, la fonctionnalité permettant de récupérer un flux RSS de pages Facebook a été supprimée, le but étant que l’intégralité des actions reliées au réseau social le soit au sein de son interface et non plus via des applications tierces.

Pourtant, certains de ces outils tiers permettent d’appréhender assez efficacement les données de Facebook.

Outils externes pour la veille et la recherche d’informations sur Facebook

Il existe des moteurs externes et des extensions de navigateurs permettant d’effectuer des recherches au sein de Facebook, avec des fonctionnalités de recherche relativement plus performantes que celles de Facebook lui-même, à condition d’avoir soi-même un compte. On peut citer à titre d’exemple « Search is back » permettant la recherche de personnes, d’événements, de posts, de partages et de photos avec pour chaque catégorie des critères de recherche précis, ou « Intelligence Search » qui est une extension Chrome permettant de rechercher encore plus de contenu que « Search is back » comme les éléments qu’une personne a « liké » ou encore les groupes dont il est membre. D’autres outils permettent quant à eux de créer des flux RSS comme « Exileed », « Inoreader » ou encore « Wallfeed », mais la majorité des outils de surveillance de pages ne disposent pas de droits pour surveiller Facebook.

Intelligence Search

La plupart des plateformes de veille sur le marché comme « Digimund », « Sindup », « Synthesio », etc. surveillent davantage les requêtes que les pages, mais se heurtent à la limitation par Facebook des contenus accessibles via son interface, ce qui rend impossible de surveiller les résultats d’une requête au sein du réseau, de sorte que ces plateformes ne proposent désormais plus que la surveillance de pages publiques. Il en va de même de certains agrégateurs de presse comme « Europresse » ou « LexisNexis » qui ont intégré les réseaux sociaux à leurs sources.

En revanche, Facebook a conclu un partenariat avec la société « Datasift » permettant à cette société de récupérer toutes les données publiées sur le réseau social (sur des comptes privés ou des pages ou groupes publics) afin de les mettre à disposition des marques, mais une telle offre vise plus les professionnels du marketing que ceux de l’information.

Conclusion

Pour résumer, Facebook peut ponctuellement servir à un travail de veille sur certaines choses comme la e-réputation, la surveillance des marques, les avis de consommateurs, les événements de différentes natures, les personnes, etc. Mais de manière générale, malgré une amélioration de sa fonctionnalité de recherche, Facebook reste fondamentalement un réseau social de partage et d’échanges et peut difficilement être utilisé comme outil de veille principal pour travailler en profondeur sur un sujet précis.

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